Outre l’absurdité de croire encore et toujours que la croissance économique pourra éternellement être positive sans jamais nous faire buter sur les limites de l’écosystème – outre cet aveuglement systématique qui caractérise décidément notre modernité incapable de concevoir la réduction et le ralentissement, où est restée l’écologie humaine dans tout cela?


On y porte au pinacle l’individu consommateur et « usager » – quitte à oublier opportunément que c’est ce même individu qui doit travailler et aliéner son énergie de vie afin de produire ce qu’il consommera en compagnie de ses congénères… L’écologie humaine, c’est avant tout la réflexion nécessaire sur les exploitations et les aliénations dont le capitalisme, noir, gris ou vert, a besoin pour fonctionner. La reconversion des capitalistes et de leurs porte-paroles à l’environnementalisme ne peut dissimuler la réalité cruelle de notre mode de croissance : la « ressource humaine » est beaucoup plus abondante que les ressources naturelles. Le ressort secret de la croissance capitaliste réside dans cette extrême fragilité et «remplaçabilité » de la ressource humaine.

C’est ce qui permet des gains de productivité immenses grâce à la mécanisation. Qui plus est, une fois passée de l’autre côté de la barrière dans son rôle d’acheteur, la ressource humaine doit être « consommative » afin de soutenir la croissance productiviste par une croissance consumériste. Un capitalisme vert va-t-il remédier à ces mécanismes profonds simplement parce qu’on produira – toujours sur un marché mondial régi par des multinationales occidentales et orientales – des éoliennes, des sacs en maïs ou des moteurs à cogénération ?

Tant que l’enjeu sera la rentabilité maximale, donc le travail productif et le loisir consommatif, donc a croissance capitaliste, nous n’en sortirons pas. Il n’est pas plus joyeux d’être exploité pour des éoliennes ou des saris en lin biologique que pour des bagnoles ou des godasses en plastoche. La raison principale du malentendu : le capitalisme vert insiste sur la centralité des ressources naturelles et de l’environnement, mais nettement moins (ou pas du tout) sur l’écologie humaine. L’écologisme pro-capitaliste, porteur d’illusoires green deals et autres plâtrages de court terme, manque complètement cet enjeu central. Être réellement écologiste, c’est donc nécessairement être anticapitaliste.

L’enjeu, ce n’est pas le capitalisme vert ; c’est la transition difficile et courageuse vers une économie post-capitaliste où les principes de base de notre existence auront été vraiment repensés.